Lancelot Hamelin

Le théâtre a été pour moi un outil de déplacement, afin de chercher à entendre en moi la voix de l’autre.

La question internationale est présente dans certains de mes textes et celle de la frontière du conscient et de l’inconscient, comme le rêve, est à l’œuvre dans d’autres de mes projets.

A mes yeux, pour qu’elle soit le plus personnelle, l’écriture de l’auteur doit s’ouvrir et se tisser à la parole de l’autre. C’est la raison pour laquelle j’écris du théâtre qui favorise, accélère et intensifie cette rencontre.

Pour écrire mes textes sur les blessures de la guerre d’Algérie, les camps de réfugiés ou d’autres thématiques inspirées de la littérature classique, j’ai recours à un travail de terrain et de rencontre, qui peut constituer des enquêtes journalistiques (pour les magazines Les Inrockuptibles ou Vacarme), mais qui peut aussi n’être qu’un voyage – que ce soit dans des pays lointains, en Asie, en Afrique, en Europe ou aux Etats-Unis, ou dans des zones de France, à la campagne, à la ville, dans des banlieues.

Entendre mon texte traduit, le voir travailler par des comédiens issus d’autres cultures de jeu dramatique – mais aussi porteurs d’une autre façon d’être au monde, liée à l’histoire de leur pays – à chaque fois que j’ai eu la chance d’assister à cette transmutation, mon désir d’écriture et la langue qui est mon outil de travail ont été secoué et ressourcé.

Je pratique le théâtre comme un art politique, capable de participer à la santé, voire à la transformation des sociétés, car les Fables modèlent le Monde, et je suis sensible à l’idée que le projet européen se fasse par la pratique artistique et les échanges culturels.

Lancelot Hamelin est écrivain (romans, reportages et théâtre). Il vit et travaille à Paris.
Ses pièces sont publiées par Théâtre Ouvert, Quartett et Espace 34.
En 2007, le metteur en scène Mathieu Bauer crée Alta Villa-Contrepoint à Théâtre Ouvert.
En 2010, il écrit pour la Comédie-Française un prologue contemporain à La Folie d’Héraklès d’Euripide, dirigé par Christophe Perton.
En 2017, Alta Villa-Contrepoint est traduit en anglais par Christopher Campbell, présenté au Traverse Theatre d’Edimbourg, et ensuite publié par Oberon Brooks Ltd.
En juillet 2013, il participe en tant qu’auteur de théâtre au Director Lab du Lincoln Center, à New York City.
Ses romans sont publiés par L’Arpenteur-Gallimard : Le couvre-feu d’octobre et A la crête des vagues.
En octobre 2012, il fait un reportage sur les élections présidentielles américaines pour les Inrockuptibles, à Miami et à la Nouvelle Orléans.
Depuis 2012 il collecte des récits de rêves et de cauchemars : de la Nouvelle Orléans à Rome, en passant par Nanterre, Paris, Lyon, Valence, Calais…
En avril 2017, les Inrockuptibles publient un reportage sur les rêves des habitants de Nanterre pendant les élections présidentielles.
Lancelot Hamelin est auteur en résidence au théâtre Nanterre-Amandiers, et il a été pensionnaire à la Villa Médicis en 2016-2017.

ALTA VILLA – Contrepoint
Personnages : 3 femmes, 8 hommes

En France, été 1999, un vieux pied noir tient un hôtel de montagne, avec ses deux fils, Frank et Manu.
Le vieux se cuite au whisky et prend à témoins quelques clients : il se remémore l’Algérie, son passé proche de l’OAS, et sa femme, Judith…
Karim est le nouveau serveur embauché pour l’été. Malgré le racisme de la famille, il semble bien s’intégrer. Mais quelque chose se noue entre lui et la petite amie du fils aîné du patron, Franck.
Alors que la tension monte, on comprend que Karim n’est pas venu travailler dans cet établissement par hasard.
Il avait une question à poser au patron…
Nous sommes plongés dans les événements qui précèdent la crise finale : la vie dans l’hôtel, avant l’orage…
Le texte est constitué de fragments d’un scénario ou des archives d’un film, qui tentent de cerner les petits détails de la vie dans ce bar de montagne.
On sent que tout converge vers une issue fatale encore indéterminée : après la chute du rideau, Frank pourra effectivement tuer Karim et Faïza, mais aussi Karim pourra tuer Frank, ou Frank pourra tuer son père, ou bien aucune de ces pulsions de meurtres ne sera réalisée – et la vie continuera son cours opaque.

L’Arme
Personnages : 1 femme, 1 homme

L’Arme met en scène un homme et une femme dans un lit, dans un pays divisé par une guerre civile. Différents éléments font penser au conflit israélo-palestinien, mais des effets d’estompe éloignent le référent actuel, comme si nous assistions à la scène à travers une vitre dépolie par le temps. La femme, une ancienne militaire, appartient au groupe dominant. L’homme est du groupe dominé mais n’est plus impliqué dans le conflit, au contraire, il en profite pour s’enrichir. On découvre les personnages au milieu d’une situation qui dure depuis des nuits. Amants, ils sont aussi liés par un projet de trafic clandestin. Le temps aussi paraît imprécis. Il s’agit pour moi de traiter une atmosphère nocturne avec ce que cela implique de perte dans la notion du temps, et parfois même d’effacement de la frontière entre ce qui a été rêvé et ce qui est vécu. Plus la pièce avance, plus on a l’impression de remonter le temps. L’histoire a-t-elle commencé par la fin? Voire un autre moment?
Quelque chose de la situation internationale se joue et se noue dans ce territoire mythique qu’est la Palestine. Comment continuer d’écrire sans s’affronter à ce qui se passe dans ces lieux ? Comment le faire sans être aveuglé par les enjeux du conflit tels qu’ils nous apparaissent dans leur brutalité?
La pièce se présente en 6 faces. Ce ne sont ni des scènes ni des actes. Je souhaite poursuivre encore ce travail sur l’estompe, pour obtenir un récit assez clair et ouvert pour qu’on puisse jouer la pièce dans n’importe quel ordre.