Frédéric Sonntag credits Laura Malmiravaara

 

Les pièces de Frédéric Sonntag expérimentent des structures narratives diverses et privilégient des thématiques telles que : les relations entre fiction et réalité, l’esthétique de la disparition, la construction et la perte d’identité, les mythologies contemporaines, les enjeux politiques des mythes et des récits, les formes de peurs et de paranoïas contemporaines, la guerre de l’information et la manipulation des foules, les mécanismes de la mémoire, la place de la littérature dans la civilisation de l’image.

Fabulamundi involved Frederic Sonntag in activities in Munich, Berlin and Rome.

Né en 1978, Frédéric Sonntag est auteur et metteur en scène. Il a écrit une dizaine de pièces pour lesquelles il a été boursier du Centre National du Livre, lauréat de l’Association Beaumarchais et a obtenu plusieurs fois l’aide à la création du Centre National du Théâtre. Elles sont publiées dans la collection Tapuscrit-Théâtre Ouvert, à l’Avant-Scène Théâtre et aux Editions Théâtrales. Elles ont été présentées dans plusieurs théâtres et festivals un peu partout en France. Depuis 2009, il participe à plusieurs manifestations internationales consacrées aux dramaturgies contemporaines. Ses pièces ont été traduites en plusieurs langues : anglais, allemand, espagnol (Chili, Argentine), bulgare, catalan, portugais, tchèque, finnois, grec, serbe et danois, et sont jouées dans plusieurs pays.

Théâtrographie

2011 / George Kaplan; première création: mars 2013, Husets Teater, Copenhague ; publiée en nov. 2012
2010 / Soudaine timidite des crepuscules; première création: février 2011, Panta Théâtre, Caen
2009 / Sous controle; première création: février 2011, Little City Theatre Off the Channel, Sofia ; publiée en mai 2009
2008 / Dans la zone interieure; première création: décembre 2008, Théâtre Ouvert, Paris
2008 / Incantations; première création: avril 2008, Festival 360 – Mains d’œuvres, Saint-Ouen
2006 / Nous etions jeunes alors; première création: novembre 2008, Théâtre Ouvert, Paris; publiée en allemand
2005 / Toby ou le saut du chien; première création: juin 2010, Festival Impatience – Théâtre de l’Odéon, Paris
2004 / Intrusion; première création: mars 2011, GAM, Santiago du Chili ; publiée en septembre 2004
2003 / Des heures entieres avant l’exil; première création: juin 2005, Festival Impatience – Théâtre de l’Odéon, Paris
2002 / Disparu(e)(s); première création: mai 2003, Festival Frictions – CDN de Djion ; publiée en septembre 2003

Mare Nostrum
Un homme qui a traversé la Méditerranée échoue sur une plage italienne et découvre un étrange objet volant au-dessus de sa tête. Un écrivain accepte une commande de texte et doit faire face à son incapacité à écrire. Une artiste est interviewée à la radio au sujet de sa nouvelle installation. A Barcelone, un homme, chargé de la surveillance d’un super-ordinateur, fait l’expérience d’étranges visions. Tous ces personnages sont étrangement connectés à travers le drame du 3 octobre 2013 au large de Lampedusa, qui a coûté la vie à plus de deux cents migrants.

Benjamin Walter
Benjamin Walter est un écrivain né à Bienne en Suisse en 1977 ou encore à Ivry-sur-Seine en 1976 ou bien à Berlin en 1980 (Benjamin Walter a souvent donné des versions différentes de sa biographie). Ecrivain talentueux mais secret, il est souvent resté dans l’ombre, réticent à toute forme d’exposition, de mise en avant de sa personne. En juin 2011, sans aucune explication, Benjamin Walter renonce à écrire. En juillet 2011, il disparaît sans laisser d’adresse. Depuis, aucun de ses amis, aucune de ses connaissances, ne sait ce qu’il est devenu. Entre février et juin 2013, Frédéric Sonntag a décidé d’enquêter sur la personnalité de Benjamin Walter, sur son œuvre, ainsi que sur sa mystérieuse disparition. Il a recueilli les témoignages de ceux qui l’ont connu et a essayé, à partir des éléments qu’il a récoltés, de dresser le portrait de Benjamin Walter mais aussi de retrouver sa trace. Cette enquête l’a conduit d’Helsinki à Lisbonne et lui a fait traverser toute l’Europe. A partir de cette expérience, Frédéric Sonntag a écrit une pièce intitulée Benjamin Walter. 

George Kaplan
Quel est le lien entre un groupe activiste clandestin en pleine dissolution, une équipe de scénaristes à la recherche d’un concept pour un projet de série télé et un gouvernement invisible d’une grande puissance aux prises avec un danger qui menace la sécurité intérieure du pays ? Un seul nom : George Kaplan. George Kaplan est une pièce en trois parties aux multiples liens narratifs, une pièce sur les enjeux politiques des mythes et des récits, sur l’influence d’Hollywood dans notre représentation de la géopolitique mondiale, sur la guerre de l’information et la manipulation des foules, sur une poule qui peut sauver l’humanité, sur un nom qui pourrait changer la face du monde.

– Extraits de George Kaplan

I. LE G.G.K.
La salle à manger d’une maison de campagne. Table en bois, vieilles chaises. Dans un coin, une cafetière où le café est en train de passer.
A, B, C, D, E, assis face public, portent tous des masques mais de types différents (masque en caoutchouc représentant un homme politique, masque en plastique de super héros, photocopie de visage déformé attachée avec un élastique, baril de lessive évidé renversé sur la tête avec deux trous pour les yeux un trou pour la bouche etc…). Ils posent, immobiles, silencieux, comme pour une photo de famille, de classe, ils sont en face d’une petite caméra.
A. tient une feuille de papier.
E. se lève, met en route la caméra, vérifie dans le viseur, revient à sa place.
A. commence à lire la feuille de papier.
A.  » Nous, Groupe George Kaplan…
E. Attends, attends…
E. se lève, vérifie une nouvelle fois dans le viseur de la caméra, revient à sa place.
E. C’est bon.
A.  » Nous, Groupe George Kaplan, avons le cœur sensible, l’époque nous sort par les yeux. Depuis longtemps, nous ne sommes plus que les fantômes de nos existences, nous hantons les territoires de nos désertions. Notre transparence à nous-mêmes et au monde n’étonne plus guère que les plus étourdis d’entre nous. Nous ne sommes plus que nos propres ombres, et cela n’est pas sans nous déplaire. Nous chérissons notre spectralité et elle nous le rend bien. Toute tentative de nous y dérober n’a jamais eu pour seul effet que de nous enfoncer plus profondément en elle. Nous sommes prisonniers de cette logique de sables mouvants. Notre seul moyen d’action est de nous laisser nous enfoncer plus profondément encore. Il ne nous reste plus qu’à progresser dans notre transparence, qu’à vouloir ce que nous subissons.  »
A. passe la feuille à B.
B.  » Notre seul agir est là. Dans notre intoxication volontaire au monde…
B. s’arrête, fait glisser la feuille pour parvenir à lire la ligne suivante à travers les fentes de son masque.
B. … qui nous entoure. Au monde qui nous entoure. Nous ne sortirons plus de cette époque que d’en être…
B. s’arrête, fait glisser la feuille pour parvenir à lire la ligne suivante à travers les fentes de son masque.
B. … en être à ce point imbibé qu’elle ne pourra plus que …
B. s’arrête, fait glisser la feuille pour parvenir à lire la ligne suivante à travers les fentes de son masque.
B. que…  »
B. essaie de déchiffrer la suite, finit par baisser la feuille, renonce à lire.
B. Non, mais ça sert à rien là, j’ai…
B. enlève son masque.
B. … non mais j’ai pas les yeux en face des trous là, je vois rien, et puis… et puis c’est ridicule de lire avec un masque, soit on lit soit on porte des masques, mais si on porte des masques on ne lit pas un texte, parce que… parce que tout simplement on ne peut pas lire de texte avec un masque.
E. hausse les épaules ou fait un quelconque signe de désapprobation.
B. en réaction au mouvement de E, qui a un masque avec des gros yeux (masque de Scream par exemple) :
B. … non mais toi peut-être oui, parce qu’il a des gros yeux ton masque, toi peut-être avec ton masque tu peux lire, mais moi j’ai juste deux fentes à la place des yeux, moi je ne vois qu’une ligne à la fois avec mon masque, alors je suis obligée de m’arrêter à chaque ligne pour remonter la feuille d’un cran parce que je ne peux pas anticiper la ligne suivante, donc je dois faire une pause à la fin de chaque ligne et donc ça, je suis désolée, mais ce n’est pas possible. Quand on porte un masque, on apprend le texte, on l’apprend comme ça on peut regarder la caméra en même temps et alors ça sert à quelque chose de filmer et d’avoir des masques. Et puis pourquoi on a décidé de porter des masques, d’où elle sort cette idée ?
A. enlève son masque.
E. enlève son masque.
A. On a voté.
B. Je n’ai pas voté, moi, je suis désolée, je n’ai pas / voté.
E. Tu n’étais pas là quand on a / voté…
B. Et alors ? alors je ne suis pas là et donc je ne vote pas ?!
D. enlève son masque.
A. C’est-à-dire, c’est un peu le principe.
B. Super, bonjour la démocratie.